Quand les défunts se retrouvent

Aucune impression. Aucune émotion. Aucune réaction. Je suis mort. Je sens la mort jusqu'au fond de mon âme. Âme inexistante. Je n'ai plus de coeur. Enfin. Peut -être que oui. Mais je ne le sens pas battre. Pourquoi est -ce qu'il y a une vie après la mort? Je voulais mourir! Je ne voulais plus exister sous aucune forme possible. À tout moment, je risque de me faire appeler pour devenir un Esprit. Je ne veux pas! Pourquoi? Pourquoi donc suis-je ici! Je passe le clair de mon temps à me lamenter. Je n'ai rien à faire ici. Je ne devrais plus exister. Je ferme lentement les yeux et pleure. J'ai commis tant d'horreur. Tant d'horribles choses. Je peux à peine y penser et pourtant, tous mes souvenirs sont là, soigneusement rangé comme une pile de livres dans une bibliothèque. Prêts à me rappeler à quel point je devais mourir. J'ai bien fait de me retirer la vie. Au moins, je ne fais plus mal. Ici, il y a seulement moi et moi. J'ouvre les yeux. Les larmes ne coulent plus. Je dois rester fort. Il faut que je me change les idées. Je dois bouger mes muscles, les remettre à l'effort. Lentement et doucement, je me lève et fais quelques pas. Le sol se dérobe sous moi et je tombe. Je mords la poussière, tousse un peu. Je reprends vigueur et réessaye. Mes pattes flageolent. Combien? Combien de temps ais-je passé ainsi à me morfondre? Dix lunes? Peut -être vingt. Je pose une patte devant moi et tranquillement, j'avance. Bientôt, je deviens assez fort pour courir. Je décide d'aller au Bassin de la Trêve. Pour les mortels comme pour les morts, c'est un endroit de trêve, où je peux fréquenter d'autres chats. Des chats du clan des Étoiles. Avant, je détestais les autres. En fait, je les déteste autant qu'avant et j'ai envie de me battre. Voir si on est fort, quand on est mort. Je cours, mais je ne sens rien. Tout est vide de vie. Soudain, je fonce dans une masse poilue. Un chat. Je suis arrivé à destination. Je roule plus loin pour me cogner contre un arbre. Je ne sens absolument rien. Je me relève à la vitesse d'un éclair et me retrouve juste à côté de l'obstacle sur ma route, qui se relève à son tour. Je montre les crocs et mes yeux gris sont encore plus menaçants. Mon pelage beige pale se hérisse. Tout cela me rappelle mon vivant. Avant que je ne tue une proie. Avant que je ne tue ma compagne et mes chatons. Je pousse un cri sauvage. Pourquoi faut -il que cela ne reste dans ma mémoire! Je hurle de plus belle. Je me tords de douleur et roule sur moi -même sur le sol. Je souffre. Je souffre intensément pour ce que j'ai fait. Je ne les reverrais jamais. Et même si je le voulais, Peur de Nuit ne voudrait jamais que je les approche. J'oublie mon obstacle. Mes cris retentissent dans la clairière. Après de longs battements d'ailes, je me relève, les yeux emplis de souffrance. Je me décide soudain à regarder le chat. Ou plutôt, la chatte. Que fait -elle ici? Ne l'ais -je pas effrayée? Elle fait partie du clan des Étoiles et pourtant, elle n'a pas peur. Dans ses yeux jaunes brillent de l'interrogation. Un long silence s'ensuit. Mon poil couleur crème reprend sa forme habituelle. Je rentre mes griffes. C'est fini. Fini le temps où je peux tuer qui je veux. Maintenant, je change de règles. Un jeu différent se joue.